Le regard de ces enfants est lourd. Venant de Malange, on suivait une route sécurisée par les forces gouvernementales, mais souvent sujette à des embuscades. Lourd Climat. Et pour moi, jusqu'aujourd'hui, ce lourd climat trouve écho dans les visages de ces enfants. Comme si mes peurs et mes propres angoisses, des mines,
de l'arbitraire d'hommes armés, des dangers des avions crashés http://www.cnn.com , des voitures écrasées, se reflétaient dans ces regards.

Angoisses et réminiscences

Impressions racontées - Brève. Dans un flux de paroles qui doivent dire l'Angola: Pays, Etat, politique, guerre. GENS, développement, pauvres. Economies. Climat. Qu'est-ce qui se passe? Pays politique, diamants, pétrole. Pauvreté, violence, angoisse. De mine, de balles, de rapt, des coups de feu, des avions ringards, des voitures folles, des bandits armés, de la malaria.
Redouter la solitude et l'ennui. La folie des autres qui se voient pareils à moi. Redouter leurs remèdes pour que la vie passe, pour pouvoir survivre en évitant d'accepter, notre médiocrité, impuissance. Ne pas oublier de ne pas prendre au sérieux les questions des autres qui touchent à mes propres doutes?

Nauséeux de racisme, de machisme, de l'ethnicisme, malade à étouffer des défaitistes ancrés dans leurs jugements essentialistes. "Les noirs" font mal aux oreilles. L'Afrique.

Bruits: Epuisante pollution, raffinée torture.
Ronronnement des voitures, ou plutôt vrombissement
Echo des voix de soudards entre les murs de béton
Musique qui agresse, constamment sans fléchir
Comme un gros cœur prêt à lâcher
Bruit du groupe électrogène
De l'avion, de la radio VHF qui grésille autant que se peut.

Le guerre?

Découvrir la possibilité, l'hypothèse de la mort. Mort où le sang se mêle à la poussière, au métal. La peur du hasard.
Tout cet attirail d'objets, de bruits, de misères, de dégâts, mais surtout toutes ces nouvelles reproduisent la guerre, son grondement, amplifient son bruit de fond et ses résonances agitent les angoisses et violences.

Soudain il n'y a plus de filet.
La vie tient donc à un fil qui tôt ou tard se rompt.
Peut-être maintenant.
La fragilité de la vie des frères, des brota, des manos, des Irmãos.

Les morts plus ou moins proches rappellent que l'avion peut tomber, le militaire tirer, la voiture s'éclater,… enfin ma vie partir.
Parce que le gosse de 13 ans est vraiment pété et se fait vraiment rosser par des passants.
Parce que l'homme soûl, couché sur la route, s'est vraiment fait écraser après notre passage.
Parce qu'il y avait un gosse couché sur la route, brûlant de fièvre, le bras sur les yeux pleins de pus, que personne n'a ramassé.
Parce que la femme enceinte, une ado, marche à pieds nus avec le fagot de perches sur la tête, toute la colonne écrasée par le poids, la houe en main, le bébé dans le dos, elle revient du champ, mon compagnon me rassure, elle est réinstallée, le champ n'est qu'à 15 kilomètres de sa nouvelle zone de résidence! 15 le matin, 15 le soir.

Parce que les coups de feu qui claquent dans la nuit enlèvent des vies rebelles, encombrantes, ou celle des rivaux, ou d'hommes qui ont voulu résister à la tyranie, de celui qui a tué, parce qu'on ne les connaît pas et ils faisaient les malins, parce que celui qui a tiré ne sait plus rien, rien.
Ben oui, l'avion peut tomber, le moteur s'enflammer, le militaire vouloir mes dollars, la voiture actionner le mécanisme qui éclatera 50 tonnes de métal, elle pourra se faire une frontale avec un camion de sable sans frein.

Il faut du temps pour s'habituer à ce réalisme.
Habitude?! Non.
D'abord affiner, évaluer les vrais dangers, les trier pour en éliminer, puis prévoir les réactions appropriées qui installent l'assurance et l'éloigne l'angoisse.
Ensuite faire des héros, apprivoiser l'angoisse et le risque oublier ne pas s'importer se faire à l'idée, ne pas croire que le fil, le fil peut se rompre, maintenant. Non, pas maintenant.

 

Finalement, manger. S'enivrer d'alcool, de corps, de musique, de danse, de sexe, d'argent, d'imagination, de rire, d'humour et de sarcasmes. Manger la vie. L'avaler pour soi, pour se convaincre de la vie, pour sourire, écouter, raconter, parler, réconcilier, marier la lutte contre l'angoisse et la jouissance du plaisir. Parfaite attitude. Pour ceux qui en ont la force, les moyens

Angola
Enfants
Enfants de Lucala. 2000
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