la tradition" …; en Angola, on ne peut qu'interpréter cela dans le contexte de la guerre, du territoire non contrôlé, où la sécurité n'est pas assurée, l'école et les médicaments, la nourriture et l'eau manquent, les personnes enlevées, les militaires ou rebelles abusifs,…

Enormes souffrances, maladies, morts, déchirements. Voilà la réalité de la guerre, du conflit interne, de l'incapacité de l'état à assurer la sécurité physique et économique de la population. Mais pour un visiteur comme moi, je ne vis pas cela. Pour moi, comme pour tous les Angolais, la guerre, l'injustice, la pauvreté, se manifestent d'abord dans les discours, dans les contraintes et dans la matérialité des objets qui nous entourent. La tension s'impose à travers la peur, les mises en garde des collègues, les histoires, les bulletins de la situation militaire, de sécurité, dans les rapports de la radio, dans les journaux, nationaux, internationaux, dans les impacts sur les murs, les toits éclatés, ...

Territoires prescrits. Pour peu que l'on puisse prendre langue avec des personnes différentes, ayant des relations différentes avec le territoire (les coopérants, les fonctionnaires d'état de différents niveaux, des prêtres, des réfugiés, des paysans,...), on se rend compte que les frontières du prescrit fluctuent, dessinent de nombreuses cartes et des émotions différenciées. Cela me rappelle, toute proportion gardée, la construction des territoires prescrits que sont les favelas à Rio de Janeiro auquel je fus soumis par des personnes qui n'y vivaient pas:

Violence et territoire. Les frontières.

[…] Dès l'arrivée à Rio de Janeiro, l'étranger est soumis par les natifs brésiliens à l'éducation à Rio: On entre ainsi dans le discours de la "violence" urbaine, de la "territorialisation" et de la "sécurité". Voici le genre de recommandations: ne pas se promener dans la rue avec une montre au poing, dans les taxis ne pas laisser sa fenêtre ouverte aux feux rouges. Ensuite viennent les histoires de la dernière paire de tennis volée en pleine ville. Après la "violence", les territoires, l'étranger nouveau apprend non seulement que la ville se compose de zones, mais aussi qu'à Rio, elles s'appellent zones! La zone sud et la zone nord, celle où on va, celle où on ne va pas. Et même dans la zone sud (celle de Botafogo, Copacabana, Leblon, Ipanema,...) il y a deux types de territoires: celui de l'asfalto et celui du morro, de la rue et de la colline, de la rue et de la favela. Il apprend aussi que deux armées luttent et exploitent ces territoires: os traficantes e a polícia (les trafiquants de drogue armés contrôlant divers trafics et la police qui échappe bien souvent au contrôle de l'état). Bref, l'étranger est éduqué à reconnaître, à détecter les frontières qui limitent l'espace qu'il peut fréquenter et il apprend les stigmates qui caractérisent chacune. C'est parce que l'étranger sait que sa sécurité, sa vie peut-être sont menacées que ces discours sont si efficaces ˆ dicter l'usage qu'il fait de l'espace. Cela n'empêche qu'il sait aussi qu'il s'agit d'abord de frontières entre pauvres et riches, entre peaux claires et foncées, il sait qu'il s'agit d'injustices. Cette menace est renforcée par les médias faisant leurs choux gras de la violence.

(Massart, G. 1997. "Le multiculturalisme brésilien : une promesse non tenue ?" in Agenda interculturel, n°158, novembre, P. 22)


Angola
Enfants
Adolescents au village. 2002
Quelle est la différence entre les regards curieux et amusés des adolescents angolais de ce village et ceux d'un autre village rural du Mozambique ? Dans les deux cas, on se trouve dans un territoire plus ou moins isolé, mais le cadre de l'isolement change (et il ne l'est jamais autant que notre romantisme nous porte à imaginer). Si au Mozambique, on conçoit l'isolement comme naturel, géographique, temporel, construisant ainsi une sorte de brousse isolée flirtant avec le puissant discours du "bon sauvage", pardon, du "paysan africain", du "secteur familial de l'agriculture", du monde "de
Histoire
écrit
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