Entre mes deux séjours. Praia s'est accrue de 60.000 à 100.000 habitants. L'exode rural ne fléchit pas . Les réseaux s'étendent, routes pavées de plus en plus étendues, transports en commun, électricité, téléphone, égoûts, fontainiers, eau domestique dans les quartiers les plus riches. La ville naît de ses quartiers périphériques, mais il me semble que la croissance est plus contrôlée que 12 ans auparavant; les habitations ne dépassent plus aussi fréquemment les réseaux. Pensant aux quartiers qui se créent et les infrastructures qui doivent les irriguer, on y imagine des réseaux croissant à des rythmes différents, dont les diverses combinaisons fournissent autant de figures de développement urbain. Dans les grandes zones de la ville qui sont loties par des compagnies immobilières privées - www.tecnicil.com. l'espace est loti (eau, électricité, communication, réseau routier, ...) avant la construction des résidences. Toutefois, j'ai retrouvé une sorte de continuité entre mes expériences dans les rues de Praia de 1990 et celles de 2002. Le décor a changé, les zones se sont transformées, mais on retrouve la même ambiance, les mêmes atmosphères interactionnelles, plus électroniques peut-être, plus chimiques, plus directes, plus dures? Oui tout un peu plus. Mais toujours un grand plaisir dans les déambulations, les rencontres, les conversations coquines.…La rue, quoi.


Praia. 2002. Lá Palmareju.

La ville s'étend, elle déploie aussi ses inégalités. Pendant une courte période de l'histoire capverdienne, les riches, plutôt ce qu'on appelle maintenant la "classe média" comme au Brésil, la partie de la population qui peut jouir de conditions de vie décente, avec la possibilité de se faire soigner, d'éduquer valablement ses enfants, avoir de l'eau courante, de l'électricité, une salle de bain, ... (pas les très riches, ou très puissants) n'avaient pas, peu, d'espace idéologique (et en conséquence légal) qui leur permettent de déployer le type d'espaces auxquels ils aspiraient; socialisme, économie d'état, égalitarisme, idéologie égalitaire, répulsion idéologique pour la différenciation sociale, manque d'espaces institutionnels et de confiance pour les investissements dans l'immobilier,... … Bref, la libéralisation de l'économie, le changement de régime, la privatisation des services publics, le changement de politique bancaire, la chute en désuétude de l'idéologie égalitariste, la dynamique de la consommation alimentée par des modèles exogènes, l'apparition de nouveaux riches issus du secteurs des services et du commerce, tous ces facteurs, ont contribué à l'explosion du secteur immobilier. Cette croissance se comprend dans l'éternel désir pour le Capverdien de posséder sa "Kaza", la maison, garant de sécurité, de bien-être de s'accrocher à sa "terra". C'est que cet accroissement de la consommation et de l'ostentation des disparités socio-économiques s'accompagnent de mouvements privés, artistiques qui reconstruisent une unité imaginaire surtout à travers la musique et la langue.

Cap-Vert

Praia. 2002. Tras di kaza

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