C'est sur la base d'identifications partagées que se construise une partie des camaraderies partout dans le monde. Au Cap-Vert, les deux genres passent beaucoup de temps dans des relations sociales dont sont exclus les partenaires. Les hommes passent donc de longues heures entre eux, pendant leurs loisirs. Cette identification des hommes entre eux ne se base pas sur le sexe, mais sur le genre, sur une masculinité partagée. Il y a donc de nombreuses masculinités périphériques:

J'accompagnai un ami capverdien vivant à Praia sur son île natale. Il allait rendre visite à sa mère et sa famille qui vivaient toujours dans la fermette familiale. Son père était toujours en émigration au Portugal. Un de leurs voisins, Dany, un jeune homme de 25 ans, 'était devenu fou'. Dany était refermé sur lui-même, ne parlait plus et vivait chez ses parents 'comme un enfant'. Moreira lui parla et lui dit en face de ses parents lors de l'une de nos visites : " Dany, tu dois être un homme en toutes choses, travailler et attraper des filles". Dany n'était-il donc pas un homme ? Parce qu'il ne travaillait pas et parce qu'il n'avait pas de relation sexuelle avec des filles ? L'âge, le travail et l'activité sexuelle définissent l'homme ? Et s'il n'était un homme, serait-il une femme 'mudjer' ? Non, c'est un mâle, pas une femelle. Dany était un enfant mâle qui devrait déjà être un homme.

Les parents de Dany furent témoins de toute la scène et je me demandai à qui parlait mon ami et de qui ? N'était-il pas plutôt en train de se définir face à ses anciens voisins comme un travailleur et un dragueur, lui qui revenait de Praia ? J'ignore son intention mais je pense qu'il a réussi à dire à ses anciens voisins son succès économique ; il est revenu pour repartir et est accompagné par un étranger. Il travaille, et il attrape des filles ce qui lui permet de parler avec autorité.


Cidade Velha. 1988. Fusku

Ils naviguent culbutant, toujours un peu trop soûls, perdus dans leur errance, empêtrés dans leurs circonvulsions cérébrales qui craquent, palpitent comme des tentes dans la tempête.

En 2002, on parle de plus en plus de drogue au Cap-Vert. Crack importé par des immigrants d'Afrique Continentale, par des émigrés de retour ou de passage. Marijuana, largement consommée parmi les jeunes, produite localement.
Et l'indétrônable grogue, (rhum, distillé à partir d'une mélasse de canne à sucre et parfois, souvent de sucre), de loin la plus populaire, la plus dommageable, le grogue est aussi la plus ancienne. L'alcool est pratiquement indissociable de la sociabilité entre hommes mûrs.


Cap-Vert

Praia. Deux amis. 1989

Hommes mûrs
Alter-égaux